Paris au petit bonheur

Éditions du Perron, 1992.

Texte de Robert DOISNEAU
Janvier 1992


Insatisfait, je referme le dictionnaire.

Au mot photographie je n’ai trouvé que cette définition : art de fixer par l’action de la lumière l’image des objets sur une surface sensible.

Monsieur Larousse ne s’est donc jamais posé la question : les photographes ont-ils une âme ? ou encore : un photographe est-il lui-même une vivante surface sensible ?

Dès que l’on ne se limite pas à l’apparence mécanique des choses, elles prennent la liberté de se compliquer à l’infini.

Ainsi Jean-Louis Courtinat apparait comme un individu inclassable. Ce n’est pas un produit d’école professionnelle ni un rat de bibliothèque de livres techniques, pas d’avantage un lecteur de magazines truffés de recettes. Mais il possède une qualité qui est un passe-partout capable d’ouvrir toutes les portes. Ce garçon rayonne d’amitié.

Le voici donc parfaitement à l’aise dans le théâtre de la rue. Car il s’agit bien d’un théâtre, avec ses coulisses, son magasin d’accessoires et sa réserve de décors, avec des coins d’ombre d’où l’on voit sortir l’invraisemblable casting des acteurs qui vont avoir l’honneur d’interpréter, d’abord pour lui et ensuite pour nous, quelques sketches fugitifs improvisés pour d’uniques représentations.

Il est bon spectateur le Jean-Louis, il n’en perd pas une miette. Pour lui, le jeu consiste à disposer harmonieusement dans le rectangle du viseur les propositions du hasard.

Viendra ensuite la musique des mots joliment assemblés par Alphonse Boudard.

Finalement les deux complices nous offrent bien autre chose qu’une savante documentation sur Paris.
Ils nous engagent à regarder aimablement les gens de leur ville et, finalement, à les aimer tout
simplement.