J’ai commencé à prendre des photos aux urgences de l’Hôtel- Dieu en 1986. J’y suis retourné régulièrement jusqu’en 2011.
Les urgences, c’est un peu mon théâtre de guerre, ma montée d’adrénaline. C’est un formidable miroir de notre société. Aux urgences, j’ai vu arriver :
Les premiers malades du sida que l’on n’osait pas toucher, les sans-abris qui squattaient les couloirs du service, les malades psychiatriques dont on ne savait que faire, les toxicomanes en plein sevrage, les femmes battues amenées par la police, les tentatives de suicide, les personnes âgées vivant seules et que les voisins retrouvaient inanimées chez elles, les noctambules du samedi soir en plein coma éthylique, les angoissés qui venaient pour un mal de tête ou une angine, la grande canicule de 2003 puis celle de 2008. Bref, de mon poste avancé, je pense avoir tout vu de la déliquescence de notre société.